En quoi consiste une Convention Citoyenne ?
Crédit photo : pressfoto sur Freepik
Il existe différentes démarches de participation citoyenne, de plus en plus nombreuses et structurées au fil du développement de la démocratie participative (en France et partout dans le monde). En effet, les modèles participatifs se diversifient, selon des méthodes variées. L’objectif, quant à lui, est d’associer les citoyens à la fabrique de l’action publique, ce qui peut aller de la simple consultation à l’intégration concrète des citoyens dans le processus de décision.Parmi cette multiplicité de manières de faire de la participation citoyenne, un type de dispositif séduit tout particulièrement les collectivités, à différentes échelles : la convention citoyenne.
Inédit en France lors de son introduction par la Convention Citoyenne pour le Climat (C.C.C), ce mécanisme se développe dans le monde, comme en Irlande, en Islande ou encore en Allemagne où plusieurs conventions citoyennes ont vu le jour sur le plan national, et 37 sur le plan local.
Ce dispositif, d’abord national, inspire et est reproduit à l’échelle locale (Occitanie, Clermont-Ferrand, Grenoble, etc.). Pour autant, que signifie concrètement pour un territoire de lancer sa convention citoyenne : est-ce un mécanisme de participation citoyenne comme un autre, un écran de fumée, ou change-t-il vraiment la donne ?
Un format de participation citoyenne innovant
Qu’on les nomme « Conventions », « Assemblées » citoyennes ou bien « jurys » et « panels » citoyens, ces démarches de participation citoyenne se multiplient à travers le monde et à toutes les échelles, et permettent d’associer des citoyens aux processus de démocratie représentative. Leur logique est simple et peut se voir déclinée en une multitude de dispositifs : il s’agit de permettre à un collectif de citoyens tirés au sort de s’impliquer et s’informer sur le temps long autour d’un problème, de délibérer avec des moyens et du temps suffisamment importants, à propos d’une question politique complexe. Défendue par l’association Sciences citoyennes depuis plus de vingt ans, la convention citoyenne est ainsi définie comme :
« Une procédure de participation qui combine une formation préalable (où les citoyens étudient), une intervention active (où les citoyens interrogent) et un positionnement collectif (où les citoyens rendent un avis). »
Sciences citoyenne
Crédit photo : wavebreakmedia_micro sur Freepik
Convention citoyenne sur la fin de vie, pour le climat, sur des questions constitutionnelles… Quel que soit le thème abordé par la Convention, ces assemblées ne disposent que d’un pouvoir de proposition. La participation citoyenne, dans ce cadre, se résout donc à un rôle consultatif : si les citoyens sont intégrés dans la fabrique de la loi, leur rôle n’est pas de faire la loi puisque ce sont aux assemblées parlementaires de trancher, autant à l’échelle nationale que locale.
Pour autant, les conventions citoyennes peuvent jouer un rôle certain dans le développement des territoires, à l’image de l’Occitanie qui a été la première région de France à expérimenter une déclinaison locale de ce dispositif et a ainsi tiré au sort 100 habitants afin de travailler sur le Plan de Transformation et de Développement du territoire. Ensuite, la région a permis à l’ensemble des citoyens de voter pour les propositions à retenir au sein de ce plan (dans des domaines multiples comme l’agriculture et l’alimentation, l’emploi, l’énergie, l’aménagement du territoire, etc.) afin de pouvoir établir des mesures qui les concernent directement.
La convention citoyenne : une participation à la mode du tirage au sort
Les conventions citoyennes tendent ainsi à renforcer l’idée de plus en plus prégnante de rendre les administrés acteurs des thématiques qui les concernent directement. En effet dans un contexte de crise de la représentativité et de défiance envers les élus, il convient d’impliquer de manière concrète les citoyens à la fabrique de la loi, autant à l’échelle locale que nationale. Il s’agit donc de les y intégrer, en permettant à tout un chacun de participer aux processus décisionnels.
C’est en ce sens, que le tirage au sort a été choisi afin d’assurer au mieux la représentativité de la population dans les panels de citoyens chargés de participer aux divers processus de conventions citoyennes. Pour la Convention Citoyenne pour le Climat, 150 citoyens ont été tirés au sort selon des critères permettant d’obtenir un panel certes restreint, mais bien représentatif de la population française : genre, âge, niveau de diplôme, catégories socioprofessionnelles, type de territoires et zone géographique. Le tirage au sort a permis de sélectionner des numéros de téléphone (85% de portable et 15% de fixe) et de contacter en tout 255 000 personnes avant d’établir la liste finale de participants au dispositif. Un tel mécanisme de participation citoyenne doit donc être revêtu d’un caractère de diversité, y compris en matière de sensibilités politiques. L’ensemble du processus de tirage au sort doit également faire l’objet d’un contrôle par un huissier afin d’en garantir l’impartialité, sous la supervision des garants et du comité de gouvernance.
Crédit photo : rawpixel.com sur Freepik
À cet ensemble de critères de sélection des citoyens s’ajoute l’importance, pour garantir la légitimité du processus, qu’ils soient des « profanes » par rapport au sujet dont la convention fait l’objet, c’est-à-dire que ces derniers ne doivent présenter aucun conflit d’intérêts qui puisse être objectivement consultable, notamment « en termes de relations de travail, de famille, d’implication associative ou syndicale » liées au sujet. Cela doit permettre de garantir la neutralité des participants au processus et aux décisions issues de la convention citoyenne.
Vers une institutionnalisation de la convention citoyenne ?
Pour certains chercheurs, à l’instar de Loïc Blondiaux, les conventions citoyennes devraient s’institutionnaliser afin de se rapprocher d’un modèle de démocratie plus délibérative et plus inclusive, où les citoyens pourraient plus facilement et mieux être associés au pouvoir de décision. Cependant, il est possible de se demander dans quelle mesure, et si le format ne doit pas être adapté. En effet, les résultats de la Convention Citoyenne pour le Climat (C.C.C) ont montré qu’il ne suffisait pas d’associer les citoyens à la décision pour obliger les gouvernants et traduire les propositions issues du dispositif participatif en actions concrètes.
Crédit photo : Freepik
C’est d’ailleurs en ce sens qu’une convention citoyenne pour un renouveau démocratique est demandée, pour impliquer directement les citoyens en faveur d’une réforme constitutionnelle devant être validée par référendum. Pour autant, avant l’institutionnalisation du dispositif, plusieurs conventions citoyennes doivent encore être expérimentées pour mieux comprendre leur fonctionnement et leur portée, autant à l’échelle locale qu’à l’échelle nationale par exemple avec la Convention citoyenne sur la fin de vie.
Ainsi, si ce dispositif popularisé par la Convention Citoyenne pour le Climat (C.C.C), ne renvoie pas à un format précis et standardisé, il peut se voir adapté selon les territoires tant qu’il garde la notion d’implication de citoyens tirés au sort et non spécialistes du sujet dont la convention fait l’objet, impliqués sur le temps long dans la réflexion et fabrique de recommandations amenées à devenir des lois. L’impact d’un tel processus de participation citoyenne peut être important, autant pour tendre vers encore plus de démocratie que pour simplement rendre les citoyens acteurs de leur citoyenneté. Il laisse en effet le temps aux citoyens de se former pleinement aux enjeux posés par une question de départ et de formuler des décisions concrètes, même si elles ne sont soumises qu’en tant que propositions aux instances chargées de la décision.