Guide pratique pour réussir une démarche participative

11 juin 2024
15 minutes environ

Crédit photo : Erika Giraud sur Unsplash

La démarche participative s’est imposée comme un élément essentiel dans la conduite de projets publics comme privés. Elle favorise l’implication des parties prenantes et conduit à des solutions adaptées, innovantes et mieux acceptées. À condition qu’elle respecte certaines règles. 

Que vous soyez une collectivité territoriale, une entreprise ou un aménageur public, quelques pré-requis et bonnes pratiques sont à connaître pour assurer le succès de votre démarche

Les pré-requis essentiels pour votre démarche participative

Avant de vous lancer, assurez-vous de mettre en place certains éléments cruciaux. Pour vous aider, on vous a listé les pré-requis indispensables.

Un cadre défini en amont

La première étape consiste à définir avec méthode les contours de votre dispositif. Pour ce faire, posez-vous les questions suivantes :

#1 Quelle partie du projet est discutable ? 

La question peut sembler évidente, mais elle est pourtant trop souvent éludée.  Il est essentiel de déterminer dès le départ quels éléments du projet sont ouverts à la discussion et ceux qui sont non négociables.

Cette clarification permet de gagner en efficacité et de réduire le risque de frustration parmi les participants. Par exemple, dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine, les aspects architecturaux peuvent être discutables, tandis que les contraintes budgétaires peuvent être non négociables.

#2 Quelles sont les cibles ?

Plutôt que de viser tout le monde, identifiez précisément les publics concernés par votre démarche. 

Par exemple, pour un projet de réhabilitation d’un espace vert, les riverains, les associations de quartier et les utilisateurs réguliers du parc peuvent constituer des cibles spécifiques.

De cette manière, vous disposez des bonnes informations pour adapter votre communication et votre dispositif. 

#3 Quels sont les objectifs ? 

Définir vos attentes détermine à la fois les résultats escomptés et les moyens à mettre en place pour les atteindre. 

Ces objectifs doivent être spécifiques, mesurables, atteignables, pertinents et temporellement définis (critères SMART). 

La détermination de ces objectifs s’accompagne d’une identification de vos indicateurs-clés de réussite. Par exemple, ils peuvent inclure le taux de participation, l’amélioration du bien-être des salariés, ou l’accroissement de l’acceptabilité sociale d’un projet. 

Cette étape est indispensable pour éviter d’avancer à l’aveugle.

#4 Quel degré de participation accorder aux citoyens ? 

Chaque niveau de participation suppose un niveau d’implication différent des participants. Toutes les réponses aux questions précédentes doivent vous permettre de définir le degré le plus approprié. 

Les 5 niveaux de participation
#1 L’information
#2 La consultation citoyenne
#3 La concertation citoyenne
#4 La co-construction
#5 La co-décision



#5 De quels moyens disposez-vous (humains, financiers…) ? 

Évaluez les ressources disponibles, notamment en termes de temps, de personnel et de budget, nécessaires pour mettre en œuvre votre démarche participative

Par ailleurs, cette mise au point s’avère très utile pour identifier d’éventuels déséquilibres entre les attendus et les moyens à votre disposition.

Des parties prenantes identifiées


Maintenant que vous connaissez votre cible, il est temps de dresser une liste exhaustive de toutes les parties prenantes concernées par votre projet. Parmi elles, vous trouverez des usagers, des associations, des entreprises locales, des salariés, etc. 

Une fois cette liste établie, nous vous recommandons d’analyser leurs intérêts, leurs attentes et leur niveau d’engagement potentiel dans le processus de concertation

Cette analyse vous permet de : 
  • comprendre les enjeux du point de vue des parties prenantes,
  • développer des messages personnalisés à diffuser,
  • d’adopter les meilleures approches pour engager vos cibles. 

De plus, cette étape vous aide à anticiper les éventuelles réticences et à repérer les potentiels freins à la participation, afin d’adapter votre démarche participative en conséquence.  

Une stratégie de communication

Une communication adaptée est indispensable pour encourager l’implication citoyenne. Elle joue un rôle crucial en informant les personnes de l’existence du projet et en leur fournissant les informations nécessaires pour y participer activement.

Rédiger une charte des démarches participatives

Crédit photo : pressfoto sur Freepik


Une stratégie bien pensée repose sur 3 piliers : 
  • la communication sur les enjeux du projet
  • le partage des modalités de la participation
  • la diffusion de ressources utiles sur le sujet discuté.

Elle diffuse ces informations à travers plusieurs canaux et personnalise les messages en fonction du public cible. 

Il est indispensable que la communication permette au public de comprendre pleinement les enjeux du projet. En leur fournissant des informations claires, vous favorisez la transparence et renforcez leur confiance. Cette transparence facilite leur adhésion au projet et encourage leur contribution active.

Notre avis
Mettez en place une stratégie de communication claire et transparente pour informer et mobiliser les participants. Utilisez différents canaux de communication (réunions publiques, site web, réseaux sociaux, affichages) pour toucher un maximum de personnes.



Les bonnes pratiques pour assurer son succès

Une fois les pré-requis validés, suivez ces étapes clés pour mener à bien votre démarche participative.

Une planification précise

Élaborez un plan détaillé de votre démarche participative, en définissant les étapes, les rôles et les responsabilités de chacun, ainsi que les ressources nécessaires. 

Rédiger une charte de participation citoyenne
Bien loin de l’image “marketing” qui lui est souvent accolée, la charte de participation citoyenne est un excellent outil pour favoriser le bon déroulement de votre projet.

En recensant l’ensemble des modalités et conditions de participation, elle joue un rôle de contrat passé entre votre organisation et les publics.

Elle répond à un enjeu important, celui de maintenir, voire de rétablir la confiance. Mais aussi, de faire preuve de sincérité et de transparence, quant au déploiement du projet de concertation.


Des méthodes participatives inclusives


Le choix des outils et des méthodes participatives doit mobiliser toute votre vigilance. S’il n’est pas le seul facteur à prendre en compte, il est bien l’un des plus importants. 

Le premier principe à appliquer est le suivant : choisir les outils en fonction de vos objectifs plutôt que l’inverse. Vos méthodes et outils d’animation doivent être sélectionnés en fonction de leur capacité à atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés. 

Le second principe consiste à combiner les approches : 
  • outils en ligne et ateliers en présentiel,
  • communication grand public et animation de terrain à destination de publics spécifiques,
  • collecte de données quantitatives et qualitatives. 

Notre avis
Tendre vers une démarche participative qui soit la plus inclusive possible.

Chacun ne bénéficie pas des mêmes capacités à participer (prise de parole, expertise, temps disponible, etc.). Pour que votre démarche participative ne réunisse pas seulement les personnes habituées, il est important de penser à l’inclusion du reste de la population.

Pour les publics plus difficiles à mobiliser, des approches spécifiques requièrent votre attention. Le choix des outils est crucial, mais il ne suffit pas. L’accompagnement et l’encouragement à la participation constituent des facteurs essentiels à la réussite de la démarche.

Plus vous garderez en tête que les outils sont au service de vos objectifs et de vos cibles, plus vous réussirez à proposer un dispositif inclusif. 



Des méthodes innovantes sont régulièrement inventées pour encourager une participation utile, agréable et moins contraignante.





Une équipe d’animation dédiée

L’animateur ou l’équipe d’animation se charge de faciliter les échanges et de garantir la participation de tous les publics. Elle veille à créer un environnement ouvert et bienveillant où chacun se sent libre de s’exprimer. 

Toutefois, tout le monde ne possède pas des compétences en techniques d’animation de groupe. Et, il s’avère que la mobilisation de personnes formées permet de garantir l’authenticité des opinions exprimées et la sincérité de la démarche. 

Si vous ne possédez pas ces compétences en interne, de nombreuses agences se sont spécialisées dans le domaine. Vous pouvez également choisir de faire monter en compétences votre personnel grâce à la formation.

Un traitement des retours et des contributions garanti

Tout l’enjeu de la participation citoyenne réside dans l’obtention de résultats concrets. Les citoyens souhaitent pouvoir exprimer leur avis, mais ils souhaitent surtout que celui-ci soit entendu.  Il est alors nécessaire de leur montrer que leur avis vous importe. 

La restitution constitue l’une des clés du succès d’une démarche participative. Elle permet d’exposer aux participants les résultats de la concertation, et de communiquer sur les prochaines échéances du projet. 

D’ailleurs, une restitution bien menée favorise :

  • L’adhésion des participants au dispositif : En comprenant les résultats de leur implication et les suites données à leurs contributions, les participants se sentent valorisés et plus enclins à participer à de futures consultations.
  • La relation de confiance : Une restitution transparente et informative permet de favoriser une collaboration plus étroite entre organisateurs et participants dans les projets à venir.
  • La réussite des éventuelles prochaines consultations : En ayant vécu une expérience positive, les participants sont plus susceptibles de s’engager à nouveau dans des processus participatifs ultérieurs.

Une communication tout au long de la démarche participative

La communication ne se limite pas à la simple diffusion d’informations. Bien sûr, elle doit intervenir en amont de la démarche pour indiquer au public où, quand et comment participer.

Toutefois, elle ne limite pas cela. Elle accompagne aussi les publics tout au long du processus participatif. Elle encourage à la mobilisation, fournit des éléments pédagogiques sur le projet en concertation et informe les publics des prochaines étapes. Enfin, à la fin, elle permet de promouvoir l’évaluation et de restituer les résultats.

La checklist pour réussir ma démarche participative

2 exemples innovants de démarches participatives

Pour illustrer ces bonnes pratiques, voici quelques exemples de démarches participatives réussies dans différents secteurs d’activités.

Les États généraux des mobilités de La Réunion

L’île de La Réunion fait face à des défis majeurs en matière de mobilité : embouteillages, pollution atmosphérique, manque d’infrastructures de transports en commun… Pour y répondre, la Région Réunion a lancé une démarche participative ambitieuse, les États généraux des mobilités (EGM), afin de recueillir les avis et propositions des citoyens sur l’avenir des déplacements sur le territoire. 

L’objectif était de recueillir des propositions concrètes permettant d’établir une feuille de route collective pour les mobilités. 

Sous l’égide de la Commission Nationale du Débat Public, le projet s’est déroulé en 2 phases.

Bannière des EGM La Réunion, exemple de démarche participative

Crédit image : Région Réunion

Consultation citoyenne « maxi public » (phase 1)

Objectifs : 
  • Mobiliser le plus grand nombre de citoyens possible
  • Réaliser un état des lieux des besoins, attentes et priorités le plus large possible

Modalités de participation : 
  • Site web dédié avec des outils participatifs en ligne
  • Plus de 100 événement sur tout le territoire (réunions publiques, ateliers et événements festifs)
  • Caravane mobile sillonnant l’île pour aller à la rencontre des citoyens

Assemblée citoyenne des mobilités « mini public » (phase 2)

Objectifs : 
  • Approfondir la réflexion sur les propositions issues de la phase 1
  • Élaborer des recommandations concrètes et réalistes

Modalités de participation : 
  • Assemblée de 100 membres dont 70 citoyens volontaires tirés au sort
  • Une dizaine de séances de travail thématiques
  • 4 séances plénières de débat
  • Formations et rencontres avec des experts

Les EGM ont rencontré un véritable succès avec plus de 11 000 contributions recueillies dès la 1ère phase de concertation. L’hybridation des dispositifs a favorisé l’émergence d’une feuille de route et la hiérarchisation d’actions concrètes pour l’avenir des mobilités à La Réunion. 

Les points clés de réussite identifiés 

  • Une démarche inclusive et accessible à tous, grâce à une diversité de dispositifs et une large information du public
  • Un processus en 2 temps, contributif puis délibératif
  • Une animation de qualité, créant une dynamique collective
  • Un engagement fort des autorités publiques, qui ont su respecter l’autonomie des citoyens et prendre en compte leurs propositions

Au-delà de l’approche participative ayant touché un grand nombre de citoyens, le processus délibératif des EGM a donné lieu à un débat de fond et l’émergence d’un consensus.

Extrait du rapport du Collège des garants de la CNDP


Les États généraux des mobilités de La Réunion démontrent qu’il est possible d’associer les citoyens à la réflexion et à la prise de décision sur des sujets complexes et sensibles. 

ORPI mise sur l’intelligence collective

Ancrée dans une gouvernance coopérative avec le principe « 1 personne = 1 voix », le doyen des réseaux immobiliers français a souhaité affirmer sa dimension collaborative. 

En 2022, son dirigeant, Guillaume Martinaud cherche à « insuffler son expertise terrain et replacer les associés et collaborateurs au cœur de la stratégie ».

Pour concrétiser cette volonté, ORPI a fait appel à la plateforme d’intelligence collective ConsultVox. 

Les dispositifs techniques 

La solution devait répondre à plusieurs exigences :
  • Accessibilité exclusive aux collaborateurs via l’interface professionnelle « My Orpi »
  • Capacité à gérer la participation de plusieurs milliers de personnes
  • Distinguer les différents profils de collaborateurs (associés, administrateurs de biens, responsables, managers, conseillers immobiliers…) selon les projets

Des modalités de participation sur-mesure

Mockup Plateforme Orpi

ConsultVox a conçu un système d’autorisation intelligent, synchronisé en temps réel avec la base d’utilisateurs. L’accès aux débats est déterminé par les différents profils utilisateurs, garantissant que seuls les collaborateurs pertinents soient impliqués dans les échanges.



La plateforme a permis d’intégrer les collaborateurs à des décisions structurantes pour l’entreprise. Par exemple, les 1 000 associés ont pu s’exprimer sur la stratégie d’accompagnement 2024, tandis que l’ensemble des 7 000 collaborateurs a été consulté sur le design des futurs panneaux de vente.



Les points-clés de réussite identifiés

  • Intégration de l’expertise et des perspectives de l’ensemble des parties prenantes
  • Fluidification de la communication et du partage d’informations au sein de l’organisation
  • Ciblage des thématiques en fonction des collaborateurs concernés

L’exemple d’ORPI montre que la mise en place d’une démarche participative réussie nécessite une réflexion approfondie sur les besoins et les objectifs de l’organisation, ainsi que le choix d’une solution adaptée aux spécificités du projet. 

Si elle est réussie, elle présente de nombreux avantages : 
  • Amélioration de la qualité des décisions 
  • Renforcement de la motivation et de l’engagement des collaborateurs qui se sentent valorisés et impliqués dans la vie de l’entreprise
  • Développement d’une culture d’entreprise plus collaborative et innovante

Mesurer l’impact et tirer les enseignements pour progresser

Une fois la démarche participative terminée, l’heure est venue de mesurer son impact et d’en tirer les enseignements pour améliorer ses pratiques

Évaluation des résultats

Grâce aux indicateurs clés que vous avez définis à l’aide de notre liste de pré-requis, vous disposez d’un moyen d’estimer si votre démarche a été un succès ou non. Comparez vos résultats aux objectifs initialement fixés pour obtenir une vision objective des succès et des échecs rencontrés.

Par exemple, vous pouvez créer une grille d’évaluation pour vous aider dans ce processus. Certains de nos clients incluent également le public dans l’évaluation du dispositif, ce qui leur permet de recueillir des données supplémentaires et des idées pour améliorer les futures initiatives.

Évaluation du budget participatif de Romagnat
Pour sa première expérience de budget participatif, la Ville de Romagnat a choisi d’évaluer le dispositif en concertation avec les habitants et avec l’aide d’étudiants des universités voisines. 

L’objectif était double : analyser le déroulement du processus et formuler des recommandations pour l’édition suivante.

L’équipe d’évaluation a mené des entretiens avec 80 personnes, incluant les porteurs de projets, les agents municipaux et les élus. Un questionnaire a également été largement diffusé auprès de l’ensemble des habitants.

Cette étape s’est révélée mutuellement bénéfique :
  • Les organisateurs ont pu recueillir des informations précieuses pour améliorer le processus participatif grâce aux retours d’expérience.
  • Les citoyens se sont sentis écoutés et impliqués tout au long du processus.



Capitalisation des connaissances

A partir de votre évaluation, vous allez tirer des enseignements de votre démarche participative. Ces enseignements sont une mine d’or pour perfectionner ce qui a fonctionné tout en évitant de répéter les erreurs commises. 

Nous vous recommandons de consigner les bonnes pratiques dans une base de données et de la formaliser afin de la partager à l’ensemble de votre organisation. Ainsi, chacun peut s’approprier votre méthodologie pour guider les futures initiatives. 

 

Amélioration continue 

Il est tout aussi important, voire plus, d’analyser les échecs que les réussites. Sans comprendre la cause d’un échec, il sera difficile d’améliorer votre démarche participative et vous risquez de reproduire les mêmes erreurs. 

A partir de ce qui a échoué, posez vous ces questions : 
  • Quel résultat avez-vous obtenu ?
  • Quel est l’écart par rapport à votre objectif ?
  • Quels ont été les freins ?
  • Quels ont été les aléas ?
  • Que pouvez-vous changer ? 

Les réponses à ces questions vous permettront de déduire des hypothèses de solution à vos problèmes et d’itérer l’expérience. 



Les conditions de réussite d’une démarche participative repose sur des pré-requis précis et des bonnes pratiques issues d’expérimentations. Loin d’être exhaustif, notre guide vous donne une partie des clés du succès. En suivant ces étapes, il est possible de mobiliser efficacement les publics, de favoriser l’engagement et d’insuffler davantage d’intelligence collective au sein des organisations.