Quelles sont les origines du budget participatif ?
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Le budget participatif est souvent considéré comme l’une des démarches participatives les plus abouties. Notamment, parce qu’elle permet aux citoyens de proposer leurs idées pour améliorer le cadre de vie, tout en les sensibilisant sur la gestion d’une collectivité territoriale et des finances publiques.
Si la démarche séduit de plus en plus de collectivités et est présente sur de nombreux territoires, savez-vous d’où vient-elle ? Dans cet article, nous vous proposons de préciser une définition du budget participatif en s’intéressant aux premiers dispositifs mis en place en Amérique-Latine, jusqu’à leur expansion partout dans le Monde et notamment en France, pour tout savoir de ce dispositif qui n’a pas fini de se diffuser.
Une définition du budget participatif largement issue de l’expérience de Porto Alegre
En France, le budget participatif représente une opportunité pour les citoyens de s’investir dans la vie locale en proposant leurs idées pour améliorer leur cadre de vie et le rendre encore plus agréable à vivre. Loin de l’image que nous connaissons aujourd’hui, la démarche a été créée comme une nécessité pour répondre à un contexte social, économique et politique difficile.
En 1985, la dictature militaire prend fin au Brésil et le retour à la démocratie s’opère progressivement. Le pays est alors en proie à de très fortes inégalités sociales et le processus démocratique est à rapprivoiser. Dans ce contexte, la ville de Porto Alegre, soutenue par les associations de quartier et des élus du Parti des Travailleurs, a imaginé et expérimenté en 1989 le premier budget participatif.
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La dictature militaire ayant largement privilégié les classes aisées, l’écart qui pouvait exister avec les classes populaires n’a cessé de se creuser. Ainsi, la mise en place de cette nouvelle forme de démocratie participative avait notamment pour objectif de réduire ces inégalités. De plus, la démarche vise à donner la possibilité aux citoyens de faire part de leurs besoins et attentes pour leur permettre d’exercer une influence sur les politiques publiques. Aussi, en donnant la parole aux habitants et en leur laissant la possibilité d’être acteur à l’échelle locale, l’objectif est de remettre la démocratie au cœur de la vie des citoyens. Il s’agit là d’une définition du budget participatif, proche de ce que les collectivités mettent en œuvre à l’échelle de leurs territoires.
L’organisation de la démarche s’est opérée par étapes. Les citoyens se sont réunis au sein d’assemblées au cours desquelles ils échangeaient sur leurs besoins pour améliorer leur niveau de vie, et établissaient une liste de propositions. Ce travail était mené progressivement, à différentes échelles : d’abord celle du quartier, puis du district et enfin celle de la ville. Cela impliquait de retravailler les besoins définis à chaque étape, de sorte à ne garder que les besoins jugés prioritaires à la fin du processus.
La démarche du budget participatif a permis de rééquilibrer la distribution des ressources entre les quartiers de la ville. Certains secteurs de la ville se sont alors vus offrir un accès à des infrastructures qui étaient jusqu’alors inexistantes, avec par exemple la création d’écoles ou encore le raccordement au réseau d’assainissement. Cependant les finances publiques de la ville de Porto Alegre demeuraient insuffisantes pour réduire totalement l’écart, et des inégalités subsistent.
S’il est né au Brésil, le budget participatif s’est peu à peu répandu à travers le monde, et notamment en France, en gardant dans sa définition l’ambition sociale que poursuivait le dispositif de Porto Alegre.
L’émergence d’une définition française du budget participatif pour garantir la qualité de la démarche
Les premiers budgets participatifs français ont fait leur apparition au début des années 2000. En prenant appui sur l’exemple de Porto Alegre, alors considéré comme la démarche participative de référence, une quinzaine de villes françaises (Saint-Denis, Bobigny, etc.) ont lancé leurs premiers budgets participatifs.
Toutefois, ces premières expérimentations de la démarche ont essuyé de nombreuses critiques de la part des participants. En effet, l’absence de réalisations concrètes à l’issue du dispositif, a entaché l’image du budget participatif et généré la frustration des participants.
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Depuis, la démarche s’est peu à peu institutionnalisée et plusieurs bonnes pratiques ont pu être dégagées des différentes expériences. Par ailleurs, afin de garantir la qualité de la démarche, les municipalités de Grenoble, Paris, Montreuil et Rennes ont créé en 2018 le Réseau national des budgets participatifs, permettant la mise en œuvre d’une définition commune de la démarche. Ce dernier invite l’ensemble des collectivités territoriales qui mettent en place ou vont mettre en place cette démarche à le rejoindre. La seule condition pour y adhérer est de s’engager à respecter les “principes fondamentaux” du budget participatif.
Outre l’ambition sociale héritée du modèle brésilien, les budgets participatifs français ont conservé le système de découpage de la démarche en plusieurs étapes. En effet, le plus souvent la démarche se divise en cinq étapes : le dépôt des idées, l’étude de faisabilité des idées, le vote, l’annonce des projets lauréats et enfin le suivi de la réalisation des projets. Cette organisation du processus en étapes a permis de cadrer la démarche. En parallèle, de nouveaux acteurs autres que les collectivités territoriales ont mis en place des budgets participatifs.
Des collectivités territoriales aux établissements scolaires, vers une expansion de la démarche
Après s’être dans un premier temps emparé des collectivités territoriales, le budget participatif a peu à peu séduit les établissements scolaires. Comme c’est le cas pour un budget participatif de collectivités territoriales, l’objectif est d’investir une partie du budget dans les besoins et idées exprimés par les membres de l’établissement scolaire (étudiants, personnels, enseignants, etc.)
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L’émergence des dispositifs participatifs dans les établissements scolaires prend sa source en 2005 avec le lancement du budget participatif dans l’ensemble des lycées de Poitou-Charentes. Ainsi dans chaque établissement, les lycéens qui souhaitaient y prendre part se réunissaient en groupes de travail. Ces derniers étaient encadrés par un animateur externe à l’établissement qui avait pour mission d’accompagner les élèves à formuler leurs envies et besoins afin d’établir une liste de projets.
Comme pour un budget participatif en collectivité territoriale, une fois les idées recueillies chacune d’elles va faire l’objet d’une étude de faisabilité. Ce travail a alors été mené par les services techniques de la région Poitou-Charentes pour l’ensemble des établissements.
Suite à ce travail, l’ensemble des lycéens a pu procéder au vote pour les projets qu’ils souhaitaient voir se réaliser. Pour le scrutin, c’est le vote pondéré aussi appelé vote par répartition qui a été choisi. Ainsi, chaque participant disposait d’une enveloppe de 10 points à distribuer comme il le souhaitait. L’avantage de ce mode de scrutin est d’inciter les élèves à s’intéresser à l’ensemble des projets pour faire leur choix. Cependant, le vote pondéré peut aussi entraîner un vote stratégique en distribuant les 10 points à un seul projet.
De nombreux projets lauréats ont été financés dans le cadre de ces budgets participatifs, parmi lesquels on trouve des préaux, la rénovation ou la création de salles de classe ou encore des voyages scolaires.
Si les ambitions portées par le budget participatif de Porto Alegre sont restées plus ou moins les mêmes aujourd’hui, la forme que le dispositif prend a quant à elle beaucoup évolué et notamment avec l’arrivée des Civic Tech. En cela on peut y voir l’une des forces de la démarche, critère important de la définition du budget participatif : son adaptabilité au territoire ou à l’organisation qui souhaiterait la mettre en place.