Comment favoriser l'intelligence collective à l'université ?

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Parler d’intelligence collective revient souvent à parler d’une nouvelle tendance managériale. Collectivités, Universités, Entreprises … Aucune organisation n’y échappe. Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à la notion d’intelligence collective au sein des communautés étudiantes. Universités et grandes écoles : quelle place pour la réflexion collective autour des décisions ?
Directeurs-trices généraux de services, directeurs-trices Vie Étudiante… Nous vous proposons cet article pour vous permettre de choisir les outils d’intelligence collective les plus adaptés à vos pratiques.
- Quelle définition donner à l’intelligence collective ?
- Mobiliser l'intelligence collective pour améliorer la qualité de vie sur les campus
- Financer des projets choisis par les étudiants grâce au budget participatif
- Cas d'usage : intelligence collective et participation citoyenne à l'Université de Lille
Quelle définition donner à l’intelligence collective ?
Définir l’intelligence collective, c’est supposer qu’il existe « une forme d’intelligence, susceptible de dépasser, en les intégrant, les intelligences individuelles ». Il serait néanmoins réducteur de penser qu’il suffit d’un groupe qui travaille ensemble pour parler d’intelligence collective.
La notion d’intelligence collective est souvent associée au monde du travail. En se penchant sur les travaux de recherche dans ce domaine, on trouve un certain nombre de définitions.
« L’intelligence collective est un outil pour développer la responsabilité, la créativité, l’adaptabilité d’une organisation et garantir la mise en œuvre des décisions en réduisant la résistance au changement. »
Goux-Baudiment (2001), Garnier (2001) ou Zara (2004)
La question de la « prise de décision » est prégnante dans ces définitions, mais on différencie la « réflexion collective » de la « décision collective ». L’intelligence collective peut donc servir à faire émerger la décision mais n’implique pas directement la prise de décision. Il ne s’agit pas de redistribuer le pouvoir.
Des pratiques existent dans le cadre du management de l’intelligence collective en entreprise. On parle également de l’intelligence collective dans une réflexion plus globale, sur des questions sociétales. Barricade, lieu d’émancipation collective belge, propose ainsi une boîte à outils de « facilitation et techniques » d’intelligence collective à utiliser dans n’importe quelle situation pour :
- Faire émerger des idées (forum ouvert) ;
- Creuser des questions importantes (café débat) ;
- Explorer une question en profondeur (l’aquarium) ;
- Créer un climat de discussion créatif (les six chapeaux de Bono).
Mobiliser l’intelligence collective pour améliorer la qualité de vie sur les campus
Les Universités et grandes écoles souffrent aujourd’hui d’une certaine forme de concurrence. Chaque année, de nombreux palmarès visent à classer les établissements et mettre en lumière les plus prestigieux d’entre eux – au niveau national comme au niveau mondial. De plus en plus d’Universités décident de fusionner : en se regroupant, celles-ci souhaitent améliorer leur attractivité et profiter d’une meilleure réputation.
Ces stratégies de regroupement ne sont pas sans conséquences sur le terrain et peuvent provoquer, auprès des étudiants comme du personnel, une résistance au changement. L’objectif de tous les établissements d’enseignements supérieurs est de leur garantir – en plus de bonnes conditions d’études – une meilleure qualité de vie sur les campus. Logement étudiant, santé, vie associative, vie culturelle, sport… Plein d’éléments entrent en jeu.
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L’Université Sorbonne Paris a créé un Observatoire de la vie de campus pour identifier les besoins et attentes de ses étudiants. À travers une démarche de consultation continue (sondages, groupes de discussions), elle implique les étudiants dans l’élaboration des politiques et des actions les concernant. Elle bénéficie également d’une convention de partenariat avec Animafac, expert du monde associatif étudiant et des questions liées à la participation des jeunes, pour l’accompagner sur ces questions.
« La vie à la fac, cela se passe aussi en ligne » : groupes Facebook, blogs, compte twitter, ENT, podcast, web TV… Les universités sont de plus en plus connectées – tout comme le sont leurs usagers. Il peut être intéressant, de la même manière qu’on utilise des outils d’intelligence collective physiques pour améliorer la qualité de vie sur les campus, de le faire avec des outils de participation en ligne.
ConsultVox propose plusieurs outils en ligne qui permettent de :
- Faire un sondage / un état des lieux auprès des étudiants et du personnel ;
- Faire émerger des idées ;
- Créer un débat constructif autour d’un ou plusieurs sujets.
Ces outils peuvent être mobilisés via une plateforme participative dédiée et/ou directement intégrés sur le(s) système(s) d’information déjà existants de l’établissement (site web, ENT, applications…).
Financer des projets choisis par les étudiants grâce au budget participatif
Depuis la loi ORE (mars 2018), les étudiant.e.s qui s’inscrivent à un établissement d’enseignement supérieur doivent s’acquitter d’une Contribution Vie Étudiante et de Campus (CVEC) de 91 euros. Cette contribution vise à :
- Accéder plus facilement aux soins sur le campus et rénover la politique de prévention ;
- Favoriser l’accompagnement social ;
- Soutenir les projets et associations étudiantes, la pratique sportive et culturelle ;
- Améliorer l’accueil des étudiants.
Certains établissements passent par le budget participatif, outil de démocratie participative, pour permettre à leurs étudiants de choisir quels projets seront financés via le produit de la CVEC.
Le budget participatif, qui consiste à allouer une part du budget aux projets soumis et choisis par ses usagers, a vu le jour au Brésil en 1989. Les collectivités françaises (Villes, départements, régions…) s’en saisissent de plus en plus fréquemment depuis 2014. Les projets financés (sous forme d’investissement) sont généralement liés au cadre de vie, à la nature en ville, ou encore au transport.
Yves Sintomer, membre de l’institut universitaire de France, travaille notamment sur l’histoire des procédures de démocratie participative et de démocratie délibérative de la Grèce antique à nos jours. Interviewé dans la Gazette des communes, il parle du budget participatif comme un dispositif qui « permet à des citoyens, non élus, d’être associés à la définition des finances publiques. Si c’est bien fait, c’est un outil extrêmement puissant. »
Le premier budget participatif initié dans une Université est celui de Tours en 2017 (5 700 étudiants). Depuis, de nouveaux établissements ont enclenché cette démarche qui, pour être pertinente, doit se faire de manière pérenne.
Les montants engagés sont variables, ils sont actuellement compris entre 0,60 euro par étudiant (Grenoble) et 3,5 euros par étudiant (Tours). Les modes de décisions varient en fonction des établissements mais on retrouve généralement : une phase de dépôt des projets, une phase d’analyse et de chiffrage, une phase de vote et une phase de réalisation.
Les projets proposés visent à améliorer le cadre de vie sur les campus : développement durable, santé, projets solidaires, mobilité douce… L’important étant que ces projets sont à la fois le fruit de l’intelligence collective car imaginés et soutenus par les étudiants eux-mêmes.
Le budget participatif est également un vecteur de créativité et de réflexion collective car il encourage toute la communauté étudiante à proposer des idées et à participer à leur réalisation.
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Cas d’usage : intelligence collective et participation citoyenne à l’Université de Lille
En 2018, les trois universités lilloises fusionnent pour devenir l’Université de Lille. L’établissement est dans le top 100 européen selon le Times Higher Education et se place au 6e rang en France.
Il souhaite poursuivre l’amélioration de la qualité de vie sur ses campus, en impliquant notamment ses usagers (environ 75 000 étudiants et personnels) dans une démarche de consultation pérenne. L’Université a fait appel aux outils et à l’accompagnement de ConsultVox pour réaliser, avec elle, de premières séquences participatives.
Entre avril et juin 2019, elle a organisé un appel à idées auprès de ses étudiants et ses personnels pour savoir quels dispositifs ou aménagements ils souhaiteraient afin d’améliorer leur quotidien. Cet appel à idées s’est fait directement en ligne et concernait l’ensemble des campus de l’Université.
Afin d’interpeller sur cette consultation en ligne, des affiches connectées ont été placées sur différents campus au cours du mois de mai 2019. Un lien et un QR code renvoyaient vers la plateforme en ligne.
Cet appel à idées constitue une première consultation en préfiguration du budget participatif qui aura lieu à la rentrée prochaine. Si une partie des projets proposés dans le cadre de l’appel à idées pourra être réalisée à court terme, d’autres projets (qui nécessitent un temps de montage, d’analyse…) pourront être soumis au budget participatif.
Avec 232 participants pour 2 500 visiteurs, cette consultation a permis de dégager de premières thématiques de projets à suggérer (Environnement, lieux de vie, associations et solidarité, activités sportives et culturelle, mobilité…) pour le budget participatif à venir ; Et d’identifier les canaux d’information les plus pertinents pour développer une communication efficace dès la rentrée.
L’Université de Lille s’est engagée à répondre individuellement à chacune des contributions publiées sur l’appel à idées et à faire une synthèse globale des idées qui en ont émergées.
L’intelligence collective comme moyen de produire une décision partagée et concertée constitue une véritable opportunité. Notamment pour les Universités dont la vie de campus symbolise l’inclusion et le bien-être des étudiants et personnels.